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2 octobre 2013

Edelweiss, par Rolande Bernard

Edelweiss

 

EdelweissCela fait trois ans qu’Aline travaille au laboratoire d’écologie alpine à Grenoble. Elle est venue dans cette ville pour être plus près des montagnes, qu’elle affectionne depuis son plus jeune âge. Elle aime les randonnées où se mêlent botanique et plaisirs des sens, ces grands espaces où elle peut observer les marmottes et guetter les bouquetins.

Mais sa plus grande passion, ce sont les plantes qu’on peut y trouver. Beaucoup d’espèces alpines sont d’une grande beauté. Elle ne se contente pas de les récolter dans son herbier ou de les photographier, elle les étudie. Elle déplore la disparition progressive de cette flore, due à la civilisation.

Sa fleur de prédilection, c’est l’edelweiss. Il s’agit d’un capitule de capitule, une fleur complexe sur le plan botanique. De plus, elle possède la légende et l’attrait d’une beauté fatale. Celui qui en trouve en montagne peut s’estimer heureux. Bien des grimpeurs ont payé de leur vie le désir de l’approcher.

Ce mois de septembre, dernier mois de floraison, Aline décide de monter à la Dent Parrachée, où elle pense dénicher cette solitaire très particulière. Son ami Paul a insisté pour l’accompagner. Ensemble, ils montent jusqu’au refuge Parrachée, et de bon matin, se mettent à gravir le sommet. Dans sa précipitation à partir en quête, Aline a négligé la météo qui s’annonce capricieuse. Ce matin la température a chuté, le ciel est noir, mais elle insiste pour partir quand même. A mi-chemin, la neige se met à tomber doucement. Au-dessus de leurs têtes, deux aigles royaux passent. Malgré les flocons qui l’aveuglent, Aline reste un instant à les admirer.

Il y a deux heures qu’ils sont partis, quand le vent se met à souffler en bourrasque. Paul, inquiet, la convainc enfin de faire demi-tour.

Sous la bise, le sol a verglacé. La descente devient de plus en plus dangereuse, et ils s’encordent. Même quand elle se retourne, Aline ne voit plus Paul, qui est resté derrière elle pour l’assurer. Elle avance prudemment dans un brouillard devenu épais, quand subitement elle se sent happée sur le côté, son corps se met à tourbillonner, elle est tombée dans une crevasse. Elle crie, elle lutte, mais l’épaisseur de l’amas de neige glacée dans lequel elle glisse la rend impuissante. Elle est ensevelie. Elle gratte la neige pour pouvoir respirer, ses yeux la brûlent, bientôt elle ne sent plus ses membres, elle suffoque, elle voit la mort arriver. Elle est d’un blanc étincelant, comme l’edelweiss. Aline s’évanouit.

Elle reprend connaissance sur un lit d’hôpital. Sa survie, apprend-elle de la bouche d’une infirmière admirative, elle la doit au courage et au sang-froid de Paul. Il s’est arc-bouté quand il a senti la corde se tendre, et a réussi à ne pas dévaler à son tour. Il a descendu la pente prudemment, l’a repérée, a appelé les secours. Elle ne se souvient de rien de cet épisode. Pour Paul, cela s’est soldé par une côte fêlée, tant il a résisté à la pression de son poids de plus en plus lourd au bout de la corde.

Tout cela pour un edelweiss ! « Cette fleur tueuse, laissons-là sur ses sommets ! » conclut-il.

 Rolande

 

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