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6 février 2014

Alchimie, par Fanny Finnet

Piste d'écriture: souvenirs de lecture.

Ce jour-là, quand je suis montée dans le train, je m’apprêtais à me jeter dans une bulle de solitude, emmitouflée dans un grand châle, décidée à me réconforter en lisant le livre conseillé par cet ami de Lucie, Matthieu, un jeune homme sympathique, spirituel que j’avais rencontré quelques semaines plus tôt.

Je me rappelle de ce café bu en terrasse. Il faisait chaud dehors, c’était presque l’été mais je tremblais, de fatigue, de nervosité. Je venais de rompre avec l’homme que j’avais imaginé être le père de mes enfants, avec qui je devais vieillir, irrémédiablement. J’avais 23 ans. Toute la vie devant moi, me disait-on alors que j’avais l’impression d’être face à un mur.

Mais, puisque la vie continuait, j’avais décidé de me reprendre en main. Dormir, manger, sortir de nouveau, essayer de ne plus pleurer à chaque réveil. Lucie était venue passer quelques jours au soleil, je l’avais rejointe pour boire un café en ville, c’est comme cela que j’avais fait la connaissance de son ami.

Un bic à la main, une clope dans l’autre, il avait griffonné sur un bout de nappe plusieurs lectures conseillées dans un cas comme le mien dont La prophétie des Andes, Siddhârta et celui que j’avais choisi pour m’accompagner jusqu’à Paris : l’alchimiste.

Matthieu avait été surpris d’apprendre que je ne l’avais jamais lu. Bizarrement, le titre me disait quelque chose. Mon père l’avait choisi comme cadeau d’anniversaire pour ma meilleure amie lorsque nous étions au collège. A l’époque, en lisant la quatrième de couverture, j’avais trouvé ce choix singulier. Pour tout dire, il me donnait l’impression d’être chiant et j’avais honte de lui offrir. Aujourd’hui, j’allais découvrir ce qu’avait d’aussi intriguant ce mince roman de Coelho. D’autant plus intriguant que mon père et Matthieu, diamétralement opposés l’avaient tous les deux choisi à un moment donné de mon existence.

Je tenais toujours le livre à la main quand le train démarra. Revenue à la réalité, j’observais la couverture du livre, le retournant encore une fois quand ce vieux monsieur en face de moi, se leva pour changer de wagon. Il vit le livre que j’avais dans les mains et s’adressa à moi : « Vous savez, ce livre va changer votre vie, je vous assure, quand vous l’aurez lu, vous verrez les choses différemment ». Je lui ai souri, me disant à moi-même, qu’en effet, c’était très prometteur. J’ai beaucoup aimé l’intervention de cet homme. J’avais envie de croire que ma vie allait changer, que je deviendrais plus… spirituelle, maintenant que le destin avait choisi de me sortir des ornières de ma vie formatée. Et puis, avec cette barbe blanche, il avait l’air d’un sage !

J’ai commencé à lire ce roman, me sentant pénétrée par chacune des phrases qui étaient autant de maximes. Je me suis identifiée au personnage, à sa quête, et au sens que prenait le terme Mektoub dans sa vie. Le destin, littéralement « ce qui est écrit ». Ce qui devait arriver se produisait, il fallait en comprendre le sens, en tirer le meilleur. Cette pensée me libéra d’une chape de plomb qui écrasait ma poitrine depuis la rupture. Je pensais que la vie n’avait plus de sens, que je ne pourrais jamais reconfiguré différemment le chemin de mon existence.

Arrivée à Paris chez mon amie, j’ai décidé d’en profiter, de lâcher prise, au moins pour ce temps de vacances récréatives. Un soir que nous devions aller boire un verre, mon amie s’est trompée de direction dans le métro. Il était déjà tard et nous avons décidé de rester dans ce quartier. Nous sommes rentrées dans un bar au hasard, il y avait un groupe de jeunes hommes qui jouaient de la musique tzigane.

La serveuse était très sympa et au fil de la conversation, nous avons appris qu’elle venait du même village que nous, ce qui n’était pas gagné vu la visibilité d’un tel endroit. J’ai eu une conversation passionnée avec l’un des musiciens sur le bonheur. Puis il m’a parlé du « mektoub », j’ai alors sorti mon roman du sac. La coïncidence m’a conforté dans cette idée nouvelle que la rupture allait m’offrir d’autres possibles, que cela n’était pas arrivé par hasard. En y repensant maintenant, au côté un peu surnaturel de cette période, à ces signes qui me semblaient adressés par une toute puissance, je comprends que tout cela était bien naturel. J’étais simplement enfin disposée à renaitre de mes cendres, à rencontrer les autres, bref à me plonger dans l’inconnu.

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