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28 février 2015

Aaron, par Fanny Finet

 

aaron siskindPiste d'écriture: texte "Aaron" inspiré d'une photo d'Aaron Siskind.

Aaron

Depuis toujours, c'est son rêve d'enfant. Voler. Voler comme le petit Arthur dans Merlin l'enchanteur qui se transforme en oiseau et n'arrête pas de parcourir le ciel en long en large et en travers, tout excité...

Quand d'autres s'imaginaient devenir pompier, Aaron continuait à vouloir voler, quitte à en faire son métier et à gagner sa vie grâce à cette prouesse. Parce que voilà, ce devait être une prouesse, personne ne savait voler à sa connaissance.

 

Ce sont ces premières réflexions qui le conduisirent à devenir un trapéziste de haut vol, alliant l'art de la figure à l'art du rebondissement. Trampoline et trapèzes devinrent ses meilleurs amis.

Aaron se fit un nom dans l'art du spectacle et du divertissement spectaculaire. Son crédo ? Aller toujours plus loin et surtout plus haut. Partir d'un point déjà élevé, abrupt si possible pour aller encore plus haut, propulsé par un trampoline aux performances toujours accrues.

 

...Mais voilà, avec une vie aussi marginale que celle-ci, c'est à dire la vie d'un homme qui n'a pas les pieds sur terre et qui refuse de s'ancrer dans la réalité, Aaron se meurt dans les hauteurs d'un ciel qui ne veut pas de lui. Se brûler les ailes ? Oui, d'une certaine manière c'est ce qu'il risque. Regardez-le, il saute haut, tellement haut qu'on se dit qu'il ne pourra jamais retomber en douceur. Il a beau faire toutes ses simagrées là haut, ce n'est pas dans l'olympe qu'il se pavane, ce n'est pas un demi-dieu, il va retomber et ça risque de faire mal....

Vous voulez que je vous dise ? Je suis sûr que les gens attendent de voir ça finalement... La retombée. Moi aussi d'ailleurs, je ne suis pas là par hasard, attraction-répulsion, fascination morbide... toutes ces choses là quoi ! Ah ? Pas vous ? Bah, chacun ses raisons après tout.

 

Floriana s'est détachée de la foule, s'éloigne de l'homme qui l'a abordée sans qu'elle ne le veuille vraiment. Alors, oui par politesse, elle l'avait laissé s'exprimer un peu. Mais maintenant que ses propos la dérangent, elle préfère encore partir, quitte à moins voir Aaron. Parce que, ce qu'elle aime Floriana, c'est observer le corps d'Aaron se contracter sous l'effort désespéré d'atteindre le plus haut de l'azur. Tous ces muscles qui se dessinent sous l'effet de la torsion, le buste ouvert au monde, les bras jetés en arrière, on dirait presque un danseur classique... Ces omoplates qui se touchent, les côtes qui apparaissent, il serait parfait pour poser en tant que modèle nu pour apprentis peintres ou pour un sculpteur contemporain.

Ce qu'elle apprécie par dessus tout, c'est son visage, plus précisément, l'air qu'il porte. Un air enfantin, l'air d'un gamin qui s'amuse, qui s'éclate sans trop avoir pensé à comment faire et qui se retrouve là-haut par hasard, surpris par un tel rebondissement. Son expression, c'est la seule chose qui ne parait pas calculé au millimètre près. Il semble passer par des tas d'émotions différentes, comme s'il vivait en accéléré le temps d'un saut.

Tiens, il laisse filtrer l'air entre ses doigts, que cela doit être agréable.... Pourra t-il retarder sa chute ainsi ?Ou aime t-il sentir la caresse de l'air le traverser ?

Floriana se questionne délicieusement sans vouloir trouver de réponse. Elle est présente à toutes les représentations que donne Aaron. Elle le suit comme une groupie, économise pour le voir. Si sa folie à lui est de voler, la sienne est de vouloir le suivre... en restant dans l'ombre, le nez en l'air. Elle possède des clichés de lui immortalisés par des professionnels où on le voit de près, tellement de près qu'elle croirait le toucher. Sur la plupart de ces clichés, elle a remarqué qu'il croise les doigts de pieds. C'est trivial, n'est-ce pas ? Mais elle trouve cela adorable. Ce n'est peut être que le résultat d'une contraction réflexe des muscles à ce moment de l'effort, mais elle aime à croire qu'il s'agit d'un rituel, d'un clin d’œil amusé adressé au destin. Parce que, c'est ce qu'il fait Aaron, il défie le destin.

C'est à elle maintenant de braver sa destinée, en allant lui demander un autographe par exemple? Ou plus... elle a repéré un salon de thé où sont exposées des photos d'oiseaux et une partie des siennes. Déjà, elle prépare une question dans sa tête parce qu'elle n'imagine pas se planter devant lui et lui dire « j'adore ce que vous faites », c'est trop convenu et vite oublié. Ah mais oui! «Croisez-vous les doigts pieds volontairement pour vous porter chance lors des sauts dangereux ou est-ce juste un réflexe ? » Elle espère qu'il donnera la bonne réponse.

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