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20 mars 2014

les objets de Suzanne, par Michelle Jolly

Les objets de Suzanne...

Piste d'écriture: à la manière de François Bon dans Autobiographie des objets, faire le portrait de personnes, ou personnages, à travers des objets qui les caractérisent. 

 

Suzanne , ma grand-mère maternelle était une sauvage, tôt levée, chaussant ses éternelles espadrilles à lacets, elle partait en campagne et nous revenait vers huit heures avec des baies fraiches, des champignons, ou, s’il pleuvait, quelques douzaines d’escargots  qu’elle mettait à jeuner. Si je devais la définir au travers d’objets, se serait ces cannes à pêche remisées sous le hangar et qu’elle sortait dès qu’une rivière était en vue ; elle savait pêcher, et de nature peu bavarde, nous houspillait si l’on parlait trop fort. Se serait cette petite remorque dans laquelle elle nous asseyait l’été parfois tous les trois, et hop ! On partait gouter chez un parent à plusieurs kilomètres, et Suzanne tirait, poussait, n’était jamais fatiguée. Sur ses cheveux que j’ai toujours connus blancs et très courts, elle portait un chapeau de paille noire, et l’hiver une écharpe qu’elle nouait sous le menton. Enfin, se serait la boite magique qu’elle sortait chaque soir, c’était son travail  pour allonger la pension de grand père, nous fabriquions en famille des fleurs pour les couronnes mortuaires !

On étalait sur la table pétales et perles, des tiges toutes préparées supportaient quelques pétales collées à l’acétone, et cela devenait violettes ou roses, lys et œillets, je suis toujours émue dans un cimetière quand j’aperçois ces horreurs ! Nous faisions ce travail souvent en chantant….

Son mari, Albert, était tout le contraire, l’air d’un ours mais la parole douce malgré une voix caverneuse. Ancien gendarme à cheval, il gardait et couvait de l’œil son képi sur le haut du buffet, et des étriers qu’il astiquait et rangeait ensuite dans un tiroir. Sous le hangar, dans le jardin dont il aimait s’occuper, il avait installé une grande cage, à l’intérieur des tourterelles qui nichaient là. La porte était ouverte, toujours, elles sortaient, faisaient le tour du quartier, roucoulaient, à l’aise, et dormaient dans la cage, fidèles. Albert chaque matin les imitait en partant jardiner en roucoulant à son tour, c’était rituel ! Il riait des fantaisies de grand-mère et quand elle voulait nous punir nous cachait sous la table ; cette table qu’il ne quitta plus quand en vieillissant il devint peu mobile.  Alors il eut une collection de journaux qu’il classait, découpant les articles concernant la région, puis les rangeait dans une boite en métal, ancienne boite à biscuits.

….Après leur départ, seule cette boite est restée quelques temps chez ma mère, on y rangeait des photos, enfin des déménagements successifs ont eu raison de cet objet qui n’intéressait plus personne. J’ai pourtant, un jour de vide grenier eut un moment d’hésitation, une boite semblable était là, je n’ai pas osé l’ouvrir.

 

Posté par Menahem Lilin à 20:14 - Commentaires [0] - Permalien [#]
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Commentaires
M
Quand je relis ce texte, j'entends ta voix, Michelle. Plaisir renouvelé que de redécouvrir cette langue, précise et rapide comme ta pensée, fluide comme la vie...
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