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9 juin 2015

De Babette Colanne à Suzanne Leblanc... par Michelle Jolly

Piste d'écriture: l'échange de courriels

mails

Babeth COLANNE     08/03/2010

à Suzanne  LEBLANC

Bonsoir, merci de m’avoir laissé ton mail, ce sera plus facile entre nous, je n’ai pas le temps en ce moment de sortir, voir mes amis, la vie court trop vite ! tu le sais comme moi… A la dernière réunion de Noël j’ai essayé de te parler de Marie,  Marie  Saugeon, mais nous étions trop bousculées, le buffet, l’alcool, ce n’était pas le moment de te faire un discours !  Mais tu es la seule qui la connaisse bien, le même quartier, souvent les mêmes élèves, comment la sens-tu cette année ?    Je t’embrasse   B.

 

Suzanne LEBLANC    08/03 2010

A Babeth  COLANNE

Salut !  J’arrive à l’instant d’un cours particulier, je suis rompue, cette année on ne m’a pas gâtée  j’ai une brochette de mômes qui n’ont même pas les bases !!!  Je n’ai pas eu le temps de diner ; je vais grignoter en te répondant.    
Marie ?  tu la connais comme moi, c’est tantôt blanc, ou noir ; l’an dernier elle a pris de longues vacances, je ne l’ai pas questionnée sur ses voyages, elle aime pas ça.   Je la trouve en bonne forme, elle a pris une classe de petits cette année, ça lui convient mieux, je les entends chanter le jeudi matin . Elle a maigri, c’est vrai mais ça lui va, et la visite médicale de rentrée a confirmé qu’elle allait bien.. Bien sûr elle est toujours seule, mais c’est Marie !  jamais contente, toujours peur de l’inconnu, elle ne changera pas, tu sais à seize ans quand on était en classe c’était la seule à fondre en larmes quand on lisait des poèmes !  pourquoi t’inquiètes-tu pour elle ?  Bises S.

 

Babeth  011/03/ 2010

à Suzanne

J’ai laissé un long moment  pour te répondre, dimanche en famille, pas d’ordi ni portable, mon père est intransigeant,  je crois qu’il a raison,  mais ça c’est une autre histoire ! j’essaie aujourd’hui de te retrouver sans t’empêcher de diner ou de dormir,  il est trois heures, les enfants à l’école, Régis au travail et je n’ai pas cours… Parlons de Marie, je lui trouve depuis Janvier un air absent, quand elle est à table avec nous, elle est ailleurs, distraite ; l’autre jour j’ai remarqué , et ça ne lui ressemble pas , qu’elle avait boutonné son chemisier de travers, elle ne va plus chez le coiffeur, laisse ses mèches grises paraitre, elle n’est plus coquette, et elle fuit, c’est cela je trouve e qu’elle nous fuit. Donne-moi, ton avis, à bientôt  B.

 

Suzanne 11/03/2010

à Babeth.

Tu as  raison, elle n’est pas toujours présente Marie, elle a peut-être des soucis, mais elle les cache, et aller dénicher ça, c’est une autre affaire !  D’ici là, je vais me remettre à mes corrections, j’en ai au moins jusqu’à ce soir, bonne journée à toi je t’embrasse S.

 

…..  il y a un long moment qu’elle attend le bus, et le soir ses jambes n’en peuvent plus ! Autrefois, Suzanne la prenait dans sa voiture, la déposait, c’était à coté, mais avec ses enfants, ça n’a plus été pareil, les prendre à l’école, puis leurs activités diverses, Marie s’est sentie vite embarrassante. Elle aurait pu avoir sa propre voiture, depuis des années, c’est vrai, mais elle ne se sentait pas assez motivée, alors le bus c’est pratique se dit-elle.. 

La queue ce soir est longue.  Il y a eu aussi cette période de deux années où Martin venait la chercher, il travaillait à la mairie, et habitait dans son quartier ; elle aimait bien ce moment-là, il plaisantait, la faisait rire, était si gentil qu’elle s’est imaginée, oh ! peu de temps… car Martin s’est marié deux semaines avant Pâques, après il passait avec sa voiture et faisait bonjour de la main…   J’ai pas eu de chance se dit-elle, autrefois j’aurais beaucoup pleuré, aujourd’hui, je ne sais pourquoi,  ma vie est à l’école, en dehors, je n’ai pas beaucoup d’envies.  

 

Babeth    18/03/2010

A Suzanne

Bonjour ! je t’ai aperçue ce soir en quittant l’école, Sophie était avec toi, elle te ressemble de plus en plus, je voulais m’arrêter mais la cohue des voitures, tu vois… Je tenais à te dire que j’ai invité hier Marie à déjeuner, on a le même horaire, le vendredi, et du temps entre midi et deux. J’ai senti qu’elle avait envie de parler , qu’elle souriait, c’était le moment.  Elle a peu parlé d’elle,  surtout des questions sur mes enfants, Régis, nos vacances, de toi aussi, puis elle a détaillé toute la région où elle est allée cet été, les châteaux Cathares, elle a ajouté qu’elle nous avait tous invités à la rentrée  en octobre, pour nous montrer ses photos ; je me souvenais plus, personne n’était venu ; elle a pensé que sa date ne convenait à personne, j’étais désolée, mais elle prenait ça à la légère, elle en riait comme d’une bonne blague… Nous avons bien déjeuné, je l’ai trouvée en forme  .  C’est bientôt  les vacances de Pâques, partez-vous ?
D’ici là je t’embrasse B.                                                                                             

 

C’est vrai qu’elle les avait attendues jusqu’à ce que le soir tombe,  et tous ces gâteaux, l’eau du thé refroidie, et ce projecteur–diapo qu’elle avait emprunté à l’école, si lourd… Pourquoi n’étaient-elles pas venues ? Sept, Louise, l’intendante, Brigitte la secrétaire, Babeth, Suzanne, Claude et Odile la jeune suppléante, pas une seule, pas un mot… elles avaient oublié ! une chose de si peu d’importance, elle avait si peu d’importance se répétait –elle.                          

 

Suzanne 19/03/2010

A Babeth

Un court instant pour être avec toi,  tous ces examens avant les vacances  et je suis vite débordée, je ne sais comment tu fais  pour  avoir le temps de faire des projets,  je ne me rends pas compte que Pâques est dans quinze jours !
Je crois que nous irons camper une semaine, après je resterai chez ma mère avec Sophie, Jaques n’a que 8 jours de vacances, hélas…
Je suis soulagée que tu aies trouvé Marie en bonne forme,  moi je me suis habituée à son coté taciturne, c’est son caractère..  A bientôt cinquante ans, il n’y a qu’auprès des enfants qu’elle a l’air de vivre, elle devrait pourtant  avoir d’autres passions, non ?
On se voit demain  en fin des cours pour mettre sur pied ces vacances, d’accord ?   à plus tard,  bises, S.

 

VACANCES DE PAQUES

C’est affreux ces vacances qui vous ramènent face au mur pense Marie  en rangeant son bureau. Les petits ont ramassé leurs cahiers, les feutres, tout dans le sac, ils sont pressés car ils sont libres ! Libres !  
Marie voudrait un peu les retenir, une caresse, un baiser effleuré à celui qui trébuche en courant..   Ils ont fermé la porte, et il va falloir se décider à partir, rentrer chez elle …
Depuis combien de temps refait-elle ce chemin ?  parfois comme à reculons, pour ne pas retrouver ses vieux démons, ses fantômes, ses projets avortés ; l’indifférence des autres, et pire que tout, pense-t-elle, le silence, ce silence si épais qu’elle n’arrive plus depuis longtemps à le meubler ni par des prières, ni par des souvenirs, ni par quelque chose qui ferait revivre l’envie dans ce monde dont elle n’a plus la clé…
Il y aura quelques jours où elle s’étourdira avec des corrections, des classements, le nez dans des livres qu’elle connait par cœur…
Puis un matin elle se dira « arrêtons de tricher. » C’est sa faute, peut-être, elle n’a pas su, n’a pas osé, n’a pas voulu, n’a pas pu …

…Alors, ce matin de vacances, lasse de supplier ce ciel qui ne répond pas, elle ne réfléchit plus, s’avance sur son balcon, là où elle ne rêve plus depuis trop longtemps, et  sans hésiter, enjambe le parapet…

 

 

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