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23 mai 2008

Mon ami, le livre, par Régine Vivien

Piste d'écriture: vider son sac, au sens propre (et pourquoi pas figuré?)

 

Le sac à main atterrit par terre, contre le mur.

 

Ma collègue, Amélie, m’interpelle

 

- Quelle brusquerie, quel manque de soin !!

 

Je jette un coup d’œil sur « le sac ». Il est noir, boursouflé, abimé sur le côté arrière, celui qui frotte contre mon corps, et affalé là, à terre. Je le redresse. Tous mes objets familiers contenus à l’intérieur glissent au fond,  et il se tient droit, comme un pacha, bien plein en bas,  efflanqué sur le dessus. Il restera là, sagement  à m’attendre. Pour le moment je travaille et je n’ai pas besoin de lui.

Dans la matinée je l’attraperai, l’ouvrirai pour prendre un courrier.
Il est toujours rempli de documents oubliés qui m'ont
intéressés un jour et que je n’ai pas encore rangés.
Il me ressemble ce sac, c’est un peu le désordre. Le petit porte monnaie en cuir acheté au Mexique est, en principe dans la poche du devant pour le retrouver plus vite. La clef du bureau est dans une poche intérieure. Pour le reste, c’est méli mélo.

Mais l’essentiel est, qu’au lever du lit, je n’ai pas oublié d’attraper mon livre sur la table de chevet pour l’enfouir  à l’intérieur de mon sac noir.

 

Le livre est mon compagnon.
Il me rassure le soir, bien que la plupart du temps je ne lise que quelques lignes avant de m’endormir.

 

Il me rassure aussi dans la journée. 

Il me suit partout.

Je m’y plonge dans les transports en commun.

Je m’échappe, je m’évade, je m’éloigne, je me ressource.

 

Plus jeune, dans le train,  en rentrant de pension, il m’est arrivé, absorbée par ma lecture, en levant la tête, d’apercevoir le chef de gare de mon patelin donner le signal du départ, et de me dire « mince j’ai loupé l’arrêt ».

 

L’autre soir, installée sur un banc, abri précaire de la station de tramway, à tous vents, par un froid de canard, j’étais transie. Pourtant j’ai fait abstraction du froid. J’ai ouvert mon livre et je me suis évadée en Chine. J’ai retrouvé la réalité à l’arrivée du bus de mon village.

 

Autre temps, autre climat, je me revois, en petite robe à bretelles, sous le soleil ardent du bord de mer, mince et dorée, dans la plénitude de mes trente ans, savourer et déguster les rimes « des Fleurs du Mal » de Baudelaire, assise sur une chaise pliante, dans un camping, mes enfants courant autour de moi.

 

Petite fille, enfin préadolescente, au cœur de ma pension, j’étais ingénue mais ma toute première lecture d’adulte «La  Terre Chinoise» de Pearl Buck m’a ouvert les yeux. Non, les femmes n’accouchent pas toutes à la clinique, certaines accouchent debout dans les champs. L’année suivante c’était 1968, les filles et les garçons n’étaient plus séparés dans la cour, les blouses avaient disparus et nous nous prêtions des livres pour grandir plus vite.

 

Dans mon enfance ma cousine, jalouse de mes moments de solitude avec mon bouquin me faisait la tête.

 

Mon mari, quant à lui adorait me voir lire. Ma passion de la lecture l’avait séduit.


Certaines périodes sont peu faste et le bouquin peut traîner des semaines entières, mais il passera tout de même la journée dans mon sac et la nuit sur ma table de chevet.

 

Lorsqu’il menace d’être fini, je prends mes précautions et vais dans une librairie en acheter un autre.

 

Il m’arrive aussi d’en avoir un ou deux en réserve conseillés et prêtés par un ami, un collègue. Ce livre là se lit différemment, il est auréolé d’émotion, d’échange. Même si le plaisir n’est pas partagé, c’est la confrontation de deux émotions, de deux intelligences qui est intéressante.

 

Mon sac est accueillant. Le livre peut être épais, mince, grand ou petit, le sac s’élargit à sa convenance.

 

Lorsque je le sors, ce bouquin, et que je l’ouvre, je retrouve mon libre arbitre. Je ne travaille pour personne. Je ne fais plaisir à personne. Je ne suis nécessaire à personne. Je suis égoïste, égoïste.

 

Livre, mon ami, tu es quelques fois captivant, palpitant, certaines fois enrichissant, d’autres fois troublant et poétique. Tu me fais réfléchir. Tu me fais voyager. Tu me fais sourire et pleurer. Mon âme quelques fois s’élève après un superbe passage. Tu apaise un moment mes peines, ma tristesse, mon désenchantement. Je m’approprie tes personnages, ton époque, ton paysage. J’applaudis au style, à la construction du roman. J’apprends et qu’est-ce que j’aime apprendre !!!

 

    Livre, tu es ma nourriture.

 

 

 

Régine Vivien

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Commentaires
A
Je me retrouve complètement dans ce texte. Quand j'achète un sac, je réfléchis toujours au fait qu'il soit pratique ou non pour accueillir mon compagnon : le livre !<br /> Merci, c'était très agréable à lire.
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