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10 novembre 2011

Dès que tu fermes les yeux... par Héloïse

Ce texte est né d'une phrase déclencheuse : "Dès que tu fermes les yeux, l'aventure du sommeil commence." L'illustration est tirée du film de Chris Marker, "La jetée", auquel l'auteure m'a écrit avoir pensé en écrivant sa nouvelle... Carole

mtjeteeDès que tu fermes les yeux, l’aventure du sommeil commence. Aventure imposée, soir après soir.

Une constante : tu n’es pas le personnage principal. Tu essaies de suivre, tu fais partie du décor, on te repousse éventuellement parce que tu gênes le passage ou bien on te demande si tu veux bien prêter ta voiture… Tu n’as pas choisi de suivre ce couple qui semble systématiquement se donner rendez-vous dans les lieux les plus connus des grandes villes européennes.

La nuit dernière c’était Rome, place Navona. Il faisait grand jour, lui descendait les escaliers, elle attendait en bas devant la marchande de fleurs. Dans la seconde elle était dans ses bras et ils éclataient de rire, un rire strident, déclenchant les sirènes d’alarme. La place grouillait de policiers, on cherchait l’assassin, le couple avait disparu dans la fontaine.

La nuit d’avant c’était Berlin. Tu sortais du métro, ils étaient déjà ensemble devant la porte de Brandebourg. Ils mangeaient des glaces. Elle portait un imperméable vert et un chapeau tyrolien. Quand tu t’es approchée d’eux ils t’ont regardée fixement. Tu t’es sentie chanceler, tu as voulu te rapprocher d’un banc. L’allée de tilleuls s’allongeait à l’infini. Tu ne rappelles plus de rien ensuite.

Tu as toujours voulu aller à Amsterdam. En vrai. Voir les canaux, le Rijksmuseum et les Rembrandt. Dans le rêve la ville luisait de pluie, ils avaient des vélos noirs, des grands cirés. Ils se sont arrêtés sur un pont et toi qui les suivais, tu n’arrivais pas à freiner, tu as glissé, tu es tombée, les regardant ensuite s’envoler, emportés par leurs parapluies.

A Londres ils t’ont demandé l’heure.

A Stockholm elle avait perdu son écharpe. Tu la lui as rendue.

A Saint-Pétersbourg, ils regardaient la Neva qui charriait des blocs de glace. Tu n’as pas eu le temps d’approcher de la limousine blanche qui les suivait. Les portières se sont ouvertes pour eux. Toi, l’orage t’a laissée grelottante.

Vous vous êtes croisés à la gare d’Atocha à Madrid. Les morts s’étaient levés pour eux, toi tu t’étais évanouie.

Copenhague, Vilnius, Riga, Bruxelles, Budapest, Varsovie, Lisbonne…

Toujours le décor superposait des vues fuyantes sur les grandes capitales, clichés de guérillas urbaines ou cartes postales touristiques, flot de passants déboulant des métros ou SDF isolés chacun sous un porche. Des crépuscules illuminaient la nuit, les jours se perdaient dans le brouillard. Tu suffoquais.

Cette nuit tu as décidé d’arrêter l’histoire. Tu ne dors pas. Tu as quitté ton appartement rue Blanche, tu as remonté le boulevard. Il est minuit. Dans les rues proches les bars sombres attendent les touristes. Tu ne veux pas dormir. L’aventure se terminerait forcément mal encore. Tu ne supportes plus les réveils oppressés. Cette nuit ils viendront chez toi comme toutes les nuits. Chez toi. A Paris.

Cette nuit ils ne t’emmèneront pas ailleurs. Tu veux déjouer le piège, ici tu t’en sens capable. Ils sortiront du rêve. Sur ce banc tu ne dors pas. Ils perdront leur pouvoir

Tu as peur, tu attends. Tu attends place Clichy. Ils viendront. Ils viendront ?

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Commentaires
C
Un texte plein de mystères & de magies. J'avais beaucoup aimé à la lecture durant l'atelier ! <br /> <br /> Cha
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