Le Jojo de la Milo, par Maxime Causse

Jojo, il est gros mais il est vachement sympa. Bon d’accord, il taquine un peu la bibine mais comme il dit  ça permet le contact avec le paradis. Ce n’est pas Milo son chien aux poils rares qui le contredira. En effet, celui-ci est tout dévoué à son maître. D’ailleurs Jojo dit que c’est son confident, son frère dans la mouise, on se serre les coudes ensemble, on se raconte tout et Milo d’aboyer en guise de confirmation.

Il a le sens de l’humour Jojo. Une fois, complètement bourré, il est rentré dans le commissariat avec un caddie rempli d’une masse hétéroclite de chiffons, une vieille radio, Milo planté au-dessus de tout ça ; il y avait aussi l’indispensable cubi de rouge, son vin de messe à lui. Alors Jojo a dit aux agents en faction : « Hé les mecs, vous avez vu ma Cadillac, c’est du tonnerre ! C’est pas comme vos poubelles avec lesquelles vous sillonnez les rues pour nous emmerder ! » Charlier, le chef de poste passait juste à ce moment. C’est pas un rigolo Charlier alors il a dit : « Je ne suis pas d’humeur à supporter ce genre de conneries aujourd’hui, enfermez-moi ça au trou »

C’était la Providence qui se manifestait là. Du moins, c’est ce que Jojo se plaisait à répéter avec l’assentiment de Milo qui aboyait en remuant la queue comme pour confirmer les dires de son maître. En effet, c’est là qu’il a rencontré Lily, pocharde patentée. C’était pas à vrai dire une gravure de mode mais de loin elle ressemblait à la Vénus Hottentote. Milo l’a tout de suite adoptée, il se promenait souvent avec elle. C’est pour ça que la Lily on l’appelait la Vénus de Milo.

Jojo était fou amoureux de sa dame. Lily admirait la prestance de son compagnon. Il avait de la culture, il avait été professeur à l’Institut. De quoi ? On ne sait pas mais il avait du vocabulaire, c’était un indice en sa faveur.

Ils ont voulu se marier pour sceller leur union. C’est Marcel le Barbu qui a officié sous le pont du Sans Souci avec pour autel les poubelles du restaurant d’à côté. Après les copains ont rappliqué, il faut dire que les poubelles étaient pleines de mets délicieux. On s’était procuré du picrate. C’était impec. Même Milo a eu droit à une double ration de cuissot d’agneau. Puis vint la nuit de Noces. Alors que les convives s’étaient dispersés sauf Marcel le Barbu qui tel un Cerbère veillait sur les tourtereaux, Lily et Jojo ont consommé le mariage. Elle disait : « Tu es un merveilleux amant » et lui en rougissant, et pas qu’à cause du vin lui répétait qu’elle était sa princesse. Milo, comme toujours, aboyait pour dire qu’il était d’accord. Marcel le Barbu faisait semblant de dormir et une larme roulait sur sa joue. Ah l’amour ! ça rend romantique !

Pourtant, comme dit la chanson, les amours finissent mal en général. Un hurlement à mort, une complainte vraiment triste et effrayante, c’était Milo. Il était assis sur le gros ventre de Jojo qui enlaçait Lily. Il avait fait froid cet hiver-là, vraiment glacé et le picrate aidant, les amants s’étaient endormis pour ne plus se réveiller.

Il y avait eu un entrefilet dans le journal local, puis on avait oublié.

J’aime à penser que maintenant ils sont au chaud et heureux le Jojo et la Lily, là-haut au ciel et qu’ils nous attendent surtout Milo qui a le cœur lourd d’avoir perdu sa famille.