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12 avril 2008

comment naissent les histoires, en atelier. Par Carole Menahem-Lilin

Histoires, histoires... Soirée du 11 avril au Crès Arts et Culture. Présentation par Carole

Nous aimons tous les histoires. Nous aimons en écouter, nous aimons en lire, nous aimons en rêver, nous aimons aussi nous en souvenir… Nous aimons les vivre (ou non, c’est selon la tête de l’histoire). Quelquefois, nous aimons en rire.
En tout cas, nous en portons tous en nous, elles émergent soudain d’un thème, d’une phrase, d’une rêverie devant une image, de la rencontre avec un personnage…
Alors, comment naissent les histoires, en atelier ?
Nous allons, lors de cette soirée, vous dévoiler quelques points de départ. Vous raconter l’histoire des histoires, en somme.
Mais – et c’est le plus beau de l’histoire – quelque soit l’occasion, la consigne, la stimulation, qui a été l’occasion de sa survenue, aucune de ces histoires n’est semblable à celle du voisin – ou semblable à celle qui serait née quelques mois plus tôt, ou quelques mois plus tard.
Car une histoire est toujours le résultat d’une rencontre. Rencontre entre ce temps particulier de l’atelier et l’état d’esprit, et le monde propre à chacun des écrivants.

Parfois, des gens me disent : « Moi, je n’ai pas d’imagination ».
S’il y a une chose à retenir de la pratique de l’écriture, c’est justement qu’écrire signifie moins inventer que tirer profit de ce qu’on connaît et qu’on porte en soi. On a tous un passé, des amis, une famille, des expériences, des désirs, et aussi des regrets… des rêveries… Les gens qui se disent peu imaginatifs sont souvent de bons observateurs, et parfois d’excellents psychologues.
L’un des sens du mot « inventer » est : lever le voile, découvrir. C’est ainsi que Christophe Colomb puis Amerigo Vespucchi ont « inventé » l’Amérique : ils ne l’ont pas créée de toute pièce (toutes mes excuses aux Indiens pour cette hypothèse incongrue !). Mais ils ont reconnu que ce continent n’était porté sur aucune de leurs cartes, et ils leur ont donné un nom : l’île d’Hispaniola pour le premier, le continent Américain pour le second…
Tout ça pour dire qu’il ne s’agit pas de créer à partir de rien, mais plutôt d’explorer. Encore faut-il que l’envie de partir à l’aventure dans le continent des histoires nous titille. Et qu’on s’en sente capable. Evidemment. C’est à ça que servent les consignes, ou supports, que je propose. Ce sont des boussoles imprévues. Ce sont aussi des cartes au trésor – mais incomplètes, évidemment. A charge pour chacun de les interpréter.
Une fois partis, l’art de la navigation, nous l’apprenons sur le tas : comment user des mots avec plus de précision, comment structurer un texte et développer la pensée ou l’histoire en germe, quand et pourquoi rechercher de la documentation, comment se couler dans la peau d’un personnage… Dans cet atelier nous prenons toujours le temps de raconter nos textes, de les lire, d’expliquer nos difficultés, de commenter nos surprises… Les autres sont là pour aider à aller plus loin. Pour dire le plaisir ressenti à tel ou tel passage dont on n’était pas sûr. Pour, parfois, proposer des pistes au personnage en panne… Ce temps d’échange et d’écoute compte parmi les stimulants les plus forts.

Mais au début du voyage, je crois, se trouve tout simplement cette envie de raconter l’aventure, toujours surprenante, qu’est le fait même de vivre.
C’est pourquoi écrire, ce sera d’abord se laisser traverser, comme dans le texte que va vous lire Régine. S’ouvrir à l’instant ; aller à la rencontre du lieu et de l’état dans lequel on se trouve…
Il faisait beau ce jour de juin, nous avions transporté l’atelier dans la cour, autour d’une des tables en bois. La consigne – improvisée pour cause de soleil – était : noter ce que l’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on respire, ce qu’on ressent… tout noter, sans se censurer. Puis laisser venir l’inspiration. C’est ainsi qu’est né le texte de Régine.


1. Texte de Régine: Temps suspendu

Ecrire, donc, c’est d’abord être présent. A ce qui bouge en nous. A ce qui nous entoure. Ce monde si familier que nous oublions souvent de l’interroger est pourtant rempli d’histoires.
Ce trimestre, par exemple, nous avons travaillé sur des boîtes, les secrets qu’elles nous chuchotaient et les objets qu’elles contenaient.
Montrer les boîtes, et le mouchoir.
D’une boîte bien réelle, Alice a tiré un jour un objet de mémoire : un mouchoir brodé… Cela lui a inspiré une scène très vivante, mais aussi une réflexion sur les différences entre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui.

2. Alice : le mouchoir brodé

Après avoir rêvé sur des boîtes, il s’agissait cette fois-là de « vider son sac ». Au sens propre ! Dans le charmant petit roman de Marie Desplechin, « Le sac à main », une jeune femme dresse, pour son amoureux, l’inventaire de son sac à main. Ce faisant, elle nous livre un portrait, un peu désordonné mais surprenant, d’elle-même et de sa vie…
Dans l’atelier, il s’agissait de tirer, de son sac ou de ses poches, un objet quotidien, symbolique d’une part de nous, d’une part de notre vie.
Marcelle est partie d’un « jeton ». Mais, comme vous allez l’entendre, cela ne signifie pas qu’elle va nous payer en monnaie de singe !

3. Marcelle : le jeton.

Et oui, écrire, comme vous le voyez, c’est souvent faire du cabotage dans notre quotidien. Sortez vos carnets, messieurs dames, il s’agit à présent d’être attentifs à ce qui nous entoure, et de réaliser une suite de petits croquis, visuels et sonores… Prendre en note la conversation de nos voisins de tram, ou l’anecdote rocambolesque entendue chez le coiffeur. Noter tel ou tel incident, telle ou telle surprise… et aussi, telle ou telle réflexion, tout cela trop vite oublié dans le tourbillon qui nous entraîne. Rien de plus stimulant, pourtant, que de dégager ainsi la trame, et le sens, de ce qui tisse notre époque.
Régine excelle dans ces textes d’atmosphère. Ici, elle met en scène deux personnages – pardon, trois : une mère, sa fille adolescente, et le téléphone portable… 

4. Régine : Le portable

Vous avez vu comment, à partir d’une observation du quotidien, peuvent naître des personnages, des situations, des paroles.
On peut souhaiter retracer plus largement la trajectoire de ces personnages, les doter d’un parcours complet d’existence. Pour cela, rien de mieux que de prendre des personnages bien éloignés de nous. Pour les faire vivre pourtant nous nous appuyons sur nos propres possessions : nos expériences, nos connaissances, nos lectures… notre appartenance à une génération particulière. Nous complétons avec de la documentation. Nous faisons un peu de psychologie…
Durant cette séance, il s’agissait de prendre un personnage dans un moment familier – mais aussi symbolique - de son existence, et de le faire méditer sur son parcours. Après quoi nous nous demandions : qu’est-ce que ce moment de retour sur soi (et sur son passé) lui a apporté ? Cela l’aidera-t-il à infléchir la trajectoire de sa vie ?
Quand Laurence s’est posé cette question à propos de ses Ambitieux, couple WASP et BCBG, elle a entendu… des jappements. Même la vie la mieux programmée est loin d’être un long fleuve tranquille. La résolution de nœuds existentiels provient souvent d’éléments inattendus, voire incongrus…

5. Laurence : les Ambitieux.

Et voilà, les personnages sont là, et insensiblement notre navire a abandonné le cabotage de côte en côte pour se risquer sur la haute mer. Attention toutefois à ne pas emprunter les routes trop parcourues, et à n’alimenter nos voiles que de clichés, ou de poncifs…
Vive le vent de la fantaisie ! qui ne se déchaîne jamais aussi bien que dans les voiles de la logique…
Lever les unes et donner libre cours à l’autre, c’était le but de cet exercice, la Lettre folle. Il s’agissait d’écrire une lettre de réclamations farfelues ; mais cela avec le plus grand soin, et en respectant exactement les formes, s’il vous plait. Bien argumenter et faire ressortir des enjeux propres à faire céder votre interlocuteur…
Dans cette lettre, Yves s’en est donné à cœur joie…

6. Yves : Lettre folle.

La vie est parfois aussi folle que l’imagination.
Ce jour là, il s’agissait encore une fois d’observer et de méditer sur des boîtes. Lorsqu’Alice a relevé le couvercle de l’une d’elle, le souvenir d’une lecture d’un entrefilet de journal a surgi. Elle s’est donc appuyée sur une anecdote attestée pour vous relater cette autre « histoire folle », vécue pourtant par des acteurs parfaitement cohérents : « Un objet inoubliable ».

7. Alice : Un objet inoubliable, nouvelle à chute !

Et oui, il en arrive des choses à nous personnages… Poussés par leur logique propre, ils vivent pourtant assez souvent ce que, dans d’autres circonstances, nous aurions pu, ou voulu, vivre nous-mêmes. Parfois aussi ce à quoi nous avons échappé…  Car il y a bien, en une personne, de quoi alimenter quelques dizaines de vies ! L’histoire, sensible et très actuelle, que va vous lire à présent Laurence va sans doute, à tous, nous rappeler des souvenirs d’enfance. Elle est pourtant née de quelques cartes tirées au hasard. Sur chacune de ces cartes était inscrit un mot, représenté par une image. Cinéma, Japon, nounours. Chacun de ces mots en évoque huit autres, que l’on écrit. A partir de ces 24 mots, une idée, une histoire se dégage…

8. Laurence : la peluche égarée.

Même consigne, mais des mots de départ (secrétaire, lit, usine), et un univers de conteur, très différents. Là aussi, sans doute, le texte éveillera en nous des échos… Souvenirs de petites entreprises… Remords d’avoir parfois jugé une personne de notre entourage à l’emporte-pièce, sans prendre la peine d’apprendre qui elle est vraiment. Jusqu’au jour où…
Yves nous présente sa Secrétaire.

9. La secrétaire

Pourquoi se prendre d’amitié pour tel ou tel personnage, me direz-vous. Pourquoi s’appliquer à achever telle histoire, et pas telle autre ? Car si certaines naissent en une heure à l’atelier, d’autres demandent des semaines de patience…
Je crois que nous n’allons pas au bout d’une histoire tant qu’elle n’a pas pleinement résonné en nous. Il faut qu’elle porte une question. Qu’elle fasse vivre un enjeu. Quelle aurait été ma vie, ou celle d’un de mes proches, si… ?
Les personnages sont nos frères, nos sœurs. Dans ce tourbillon apparemment insoluble, dans cette situation si compliquée, face à ce destin apparemment tout tracé par les conventions, quelle rencontre, quelle prise de conscience, quelle décision, ont changé la donne ? Modifié le regard de leur entourage ? Ou donné la force de diriger autrement sa propre vie ?
A quel moment devient-on sujet de sa vie ?
Il peut s’agir de décisions mûrement réfléchies. Mais parfois aussi, ce sont quelques paroles, des événements de rien, qui nous révèlent ce que nous désirons profondément – et surtout ce que nous refusons.
Cela nous concerne tous, et les personnages sont là pour nous aider à donner nos propres réponses.
Le texte que va vous lire Alice est né de cette série de séances que j’ai appelées : « Personnage en situation ». Il fallait le saisir à un moment symbolique de sa vie, et l’accompagner dans sa réflexion sur lui-même. Suivons donc Anémone…

10. Alice : Anémone.

A travers ces univers en réduction, les textes, les histoires, nous représentons – parfois à notre insu – ce que nous savons, connaissons, des autres et de nous-mêmes.
Nous nous interrogeons aussi sur le monde et la société, son état actuel, ce que nous pouvons deviner de son futur… J’ai parlé d’enjeux tout à l’heure. Le maintien d’une démocratie vivante en est un. La manière dont nous utilisons les découvertes scientifiques, dont nous les détournons parfois, en est un autre. Ces thèmes ont souvent été explorés par les auteurs de science fiction.
Marcelle a eu l’idée de son texte lors d’une séance où nous devions nous inspirer de visuels. L’art des peintres, dessinateurs, photographes, est une source inépuisable d’information et d’inspiration, à mon avis. Ce jour là, j’ai mis les participants devant une galerie de représentations surréalistes, fantastiques ou cocasses. Marcelle a choisi un mage remuant une marmite fumante, et entouré d’êtres monstrueux ou extravagants.
Elle, de sa marmite, elle a aussi extrait des situations extravagantes, et de délicieuses inventions verbales.

11. Marcelle : Antinaë

Ouf, on l’a échappé belle ! vous rendez-vous compte que, sans Antinaë, la vie sur notre bonne vieille planète, Gaïa la Terre, n’existerait peut-être pas ?

Du voyage dans le temps, revenons au voyage dans l’espace. De la comparaison entre une société imaginaire et notre monde actuel, revenons à la comparaison entre deux sociétés réelles, distantes et pourtant – au fond – si proches.
Raconter les histoires dont nous sommes les héros quotidiens aide, souvent, à mieux vivre. A penser autrement. A donner corps à une pensée « active ».

12. Régine : Rencontres en Chine.

Pour partir au loin, il faut, au minimum, avoir l’idée du point de départ – et du point d’arrivée.
Je collectionne, dans les livres écrits par d’autres animateurs d’ateliers d’écriture, mais aussi chez les auteurs de nouvelles et les romanciers, des phrases que j’appelle « phrases déclencheuses ». Marcelle, puis Yves, vous vous lire deux textes nés de cette consigne :
« Voici une phrase de début et une phrase de fin. Ecrivez ce qui a pu se passer entre les deux. »
Et ce qui a pu se passer, comme vous le verrez, ce n’est pas triste…

13. Marcelle : L’homme aux lunettes noires.
14. Yves : Anniversaire.

Et oui… Mais parfois, si l’on sait d’où on part, on ne sait pas précisément où on arrivera.
Parmi les thèmes que j’ai fait travailler cette année, se trouvait celui-là : organiser la rencontre entre un lieu et un personnage. Il s’agissait de donner quelques caractéristiques d’un lieu, choisi au hasard, en prenant garde de le faire vivre de manière sensible, physique – puis de donner par ailleurs quelques caractéristiques d’un personnage – et de voir si quelque chose naissait de leur rencontre.
C’est ainsi qu’est né le texte que je vais vous lire ce soir, Galet. En fait, Gaëlle Galet, mon héroïne, est née directement de la presqu’île.

15. Carole : Galet.

 

 

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